Nous avons consacré ce premier cycle de conférences sur la littérature populaire turque aux types et à la classification des légendes, ceci pour plusieurs raisons :
1. Ce thème nous offrait l'occasion d'explorer un domaine très peu connu de la littérature populaire turque;
2. Présentant de multiples points de contact, il offrait de l'intérêt aussi bien pour les turcologues que pour les spécialistes des folklores d'autres domaines linguistiques;
3. Il nous permettait de nous référer aux sources écrites, médiévales et modernes, ce qui convenait bien à l'esprit des études menées dans la Section;
4. Enfin, il était d'actualité scientifique du fait qu'un organisme international récemment créé (International Society for folk-narrative research) se proposait pour tâche l'élaboration d'un système de classification des légendes en vue d'un catalogue international de ce genre de récits folkloriques.
Dans une première partie, qui a pris les huit premières heures de nos conférences, nous avons étudié, à partir de textes turcs, les rapports de la légende, d'une part avec les autres genres de la littérature orale (épopée, conte, chanson...), ou écrite (chroniques, hagiographies, biographies...) et, d'autre part, avec les divers autres genres « non-littéraires » de la tradition populaire (croyances, superstitions, rites...). Nous avons essayé de dégager une définition de la légende en tant qu'objet d'investigation de la science folklorique, tout en tenant compte des nuances que le terme comporte dans le langage commun. Nous sommes arrivés à la conclusion que la légende devrait être définie, d'une part, comme une « courte narration en prose sans un style et une forme propres et stables », et, d'autre part, comme « élément thématique entrant dans la composition d'autres genres de la littérature orale (et écrite) et qui revêt le style et la forme du genre dont il constitue une partie composante ». Pour un grand nombre de légendes, le merveilleux ne doit pas être considéré comme critère absolu; mais, par contre, être objet de foi est une condition indispensable pour la distinguer de certains genres (tel que le conte); par ce même trait, elle se rapproche de certains autres (tels que l'épopée, l'hagiographie...).
Dans la seconde partie des conférences, nous avons commencé à étudier les types des légendes turques, en analysant un certain nombre de textes, de provenance orale ou écrite, et en citant à leur propos des parallèles dans d'autres domaines culturels que celui de la Turquie. Nous avons adopté, en principe, le système de classification proposé par V International Society for folk-narrative research lors des séances que celle-ci a tenues à Budapest du 14 au 16 octobre 1963, et auxquelles a participé, pour la France, Mme Marie-Louise Tenèze, chef du département de littérature du Musée des arts et traditions populaires, spécialiste des études sur le conte français et auditrice assidue de nos conférences. Nous avons discuté, en partant des matériaux turcs, des diverses subdivisions de ce système, dont les quatre grandes divisions, auxquelles nous conformons notre classification, sont les suivantes :
Nous sommes arrivés à constater que, pour la division II notamment, le nombre de subdivisions dans le plan proposé se révélait insuffisant; ces subdivisions sont les suivantes :
Nous avons pensé qu'il y avait lieu de faire éclater certaines de ces subdivisions, d'en créer d'autres et d'en déplacer quelques- unes. Nous en avons donc modifié le schéma comme suit :
C'est dans cet ordre que nous avons commencé à étudier les légendes historiques. Le sujet n'ayant pas été épuisé pendant l'année scolaire 1963-1964, nous comptons poursuivre l'analyse et la classification des légendes turques durant l'année scolaire à venir; il nous reste encore à étudier les cinq dernières subdivisions (I à M) des légendes historiques (division II), et les deux dernières divisions du plan de V International Society for folk- narrative research, à savoir : III. Les légendes sur les êtres et les forces surnaturels; IV. Les légendes religieuses.
Mmes Marie-Louise Tenèze, Andrée Trétiakoff, §iikran Ipekten, Hayrûnnisa Boratav, MM. Louis Bazin, James Hamil- ton, Jean-Paul Roux, Simon Szyszman, Halûk Ipekten, Ozalp Gokbilgin, Alexandre Dubinski, Birol Emil ont assité à nos conférences. Les interventions de Mme M.-L. Tenèze et de Mlle Geneviève Massignon (cette dernière n'a pu venir qu'à deux séances), toutes deux spécialistes du conte populaire, ont apporté un précieux concours, notamment à la discussion des questions concernant l'affinité de la légende avec les divers autres genres de la littérature orale. Les discussions et les échanges de vues avec nos autres auditeurs turcologues ont été également de grand profit pour mettre au point de nombreux problèmes linguistiques, religieux et culturels soulevés par l'étude des légendes turques.